Interview avec Ushindi Maasaï : plus qu’un business...un état d'esprit
- Aphro'Sphere
- 25 juin 2018
- 8 min de lecture
Les bijoux ethniques sont très tendances. Ils l’ont toujours été d’ailleurs mais aujourd’hui plus que jamais ils sont revenus en force. Devenu THE (prononcé ZE s'il vous plaît 😀) accessoire capable d'apporter LA touche à une tenue et parfaire un look. Les Masaïs constituent un peuple semi-nomade connu pour avoir conserver leurs traditions ancestrales. On la retrouve en Afrique de l'Est principalement au centre du Kenya et au nord de la Tanzanie. Les bijoux Masaï sont de véritables oeuvres d'art. Très colorés avec des figures géométriques, fait en perle, orné de fil de cuir, de coquillages ou de boutons. Devenu tendance, ce dernier a su se hisser parmi les indispensables mode en été. Pour le plus grand bonheur de la Black Skin.
Savant mélange entre sobriété et élégance, la marque Ushindi Maasaï propose des créations 100% hand-made. Créée par une non moins jeune d’origine rwandaise, étudiante en Belgique, Ushindi Maasaï "n'est pas qu'un business, c'est aussi une histoire". Mais surtout un mouvement intitulé #JamaisSansMonCollierMaasaï.
Doucement mais sûrement, la jeune marque fait parler d’elle sur les réseaux sociaux. Entre confidences, révélations et conseils… Je vous invite à la découvrir à travers ces lignes. Laissez-vous tenter par ses créations et adhérez au mouvement #JamaisSansMonCollierMaasaï.
Pourquoi Ushindi Maasai ?
Ushindi vient du swahili et signifie ‘’la victoire’’. Les colliers viennent du Kenya où la langue nationale est le swahili, donc je me suis dit qu’il fallait un mot en swahili pour représenter cet esprit.
Au Kenya, j’ai eu un déclic en voyant leurs bijoux, le savoir-faire, notre manière de vivre, notre mentalité. Je me suis dit avec la colonisation nous ne nous rendions pas compte de toute la richesse dont nous disposions. J’ai trouvé les colliers tellement beaux et je me suis demandé : pourquoi continuer à acheter nos colliers chez Zara ou New Look, on finance le blanc alors qu’on a tellement de ressources. Donc je vois Ushindi comme une victoire Masaï.
Pour la petite histoire : ma mère s’appelle Victoire et je suis tellement proche d’elle. Donc Ushindi c’est un peu elle car c’est ma Victoire aussi. Une manière de lui rendre hommage et de lui dire “OK maman c’est pour toi”.
De plus, quand on connaît l'histoire de l’Afrique, la colonisation, le manque de confiance et d’estime, je vois Ushindi comme un état d’esprit qui se traduit par le mot Victoire.

Parle nous du choix de la tribu Masaï.
Je me suis rendue au Kenya en tant que touriste et une des populations les plus connues dans ce pays reste les Masaïs. Dans les rues, encore aujourd’hui ils s’habillent de manière traditionnelle. Ils ont gardé leur culture et leur mode de vie. C’est beau de voir un peuple qui malgré la colonisation reste fidèle à lui-même.

Les Masaïs ont un patrimoine énorme et sans influence de l’extérieur. Les mamans par exemple ont le crâne rasé et beaucoup de piercings avec comme vêtement une sorte de drap, se promenant en plein centre-ville.
Comment t’es-tu lancée dans la vente de collier ?
J’ai toujours aimé les bijoux. Dès le lendemain, je demandais à me rendre dans le marché Masaï. C’était une évidence. Quand je les ai vu, j’étais juste éblouie. Comment ça se fait qu’on ne trouve pas ça en Belgique ? Pourquoi ne pas en ramener ? L’idée est venue comme cela.
Collabores-tu avec d’autres personnes ? Comment se passe cette collaboration ?
J’ai commencé un partenariat avec mon oncle. Par chance, il vit au Kenya , a entendu parler des colliers et a décidé de me financer. Il n’était pas obligé de croire en moi mais il m’a dit ‘’écoute, je finance, tu vends”. Au début, il m’a dit qu’on travaillerait ensemble mais je pense que l’idée derrière c’était de me pousser. Finalement je lui ai rendu son financement. Par la suite je me suis détaché de lui mais il continue à m’aider servant d’intermédiaire là-bas. Mais je parle directement avec les femmes qui créent les colliers.
Quel est le processus de création des colliers UM : de l’inspiration à la conception ?
Les colliers sont faits 100% main. Je demande mes propres modèles en fonction de la saison. Là c’est l’été, les couleurs sont de mise, par exemple j’essaie de voir quelle couleur qui va le mieux aux peaux noires. Je ne les fais pas moi-même mais je parle avec les conceptrices et je leur donne mes idées et exigences. De là, elles préparent la commande, mon oncle la récupère.

Tes colliers portent-ils des noms en particulier ?
Pour l’instant il n’y a pas de nom. Si je dois qualifier un modèle, je dis par exemple ‘’la parure avec col, la parure sans col’’. Il y a tellement de modèle différent et cela change à chaque fois. Je ne peux pas donner un nom. Peut-être plus tard.

Envisages-tu d’utiliser d’autres matières que les perles ?
Peut-être pas maintenant mais à long terme. Le projet serait de repartir au Rwanda et voir ce qu’ils font exactement là-bas, connaître plus l’histoire et promouvoir nos richesses. Partir en Ouganda, en Tanzanie car je reste persuadé que chaque pays a sa spécificité. Pourquoi ne ferons-nous pas une exposition où l’on montrerait chaque pays et sa spécificité. Malheureusement avec la colonisation, on a perdu notre histoire, nos valeurs notre richesse. Il est important de retrouver notre identité.
Qu’est-ce-qui fait l’originalité d’UM sachant qu’aujourd’hui il y a quand même une forte concurrence sur le marché ?
Ushindi Maasai est une communauté, un mouvement, #JamaisSansMonCollierMasai. Donc si une personne achète chez moi, c’est qu’elle adhère au mouvement.
Au-delà de cela, mes colliers sont fait mains et je me déplace avec ma petite valise. Je fais un peu comme du porte à porte, à domicile ou chez moi. Les clients peuvent essayer, toucher. Des gens me contactent par exemple pour acheter tel collier, à chaque fois je venais avec le collier demandé mais également avec tous les autres. On prenait le temps d’essayer chaque collier et au final le choix était fait. Et souvent, la cliente ne prenait pas son choix initial. De plus, étant en contact avec les conceptrices, une cliente peut concevoir et commander LE collier qu’elle souhaite.
L’atout principal est la proximité et le feeling créé avec les clientes. Avec la plupart nous avons gardé contact. Avec le temps on devient une communauté. Je ne me vois pas vraiment comme une vendeuse et je me suis fait tellement de contact avec

Comment t’es tu venu l’idée du mouvement ?
En commençant Ushindi, je n’étais pas populaire et je cherchais une idée pour me faire connaître. J’ai commencé à porter mon collier Masai, en grande snapeuse, c’était toujours ‘’je sors jamais sans mon collier Massai’’. Et ça a été repris avec le temps. Je portais tous les jours ce collier pour qu’on puisse le remarquer. Et même aujourd’hui en ville, une personne m’a demandé d’où vient ce collier. Ushindi n’est pas qu’un business, c’est aussi une histoire.

Qui peut arborer fièrement tes colliers ?
C’est vraiment pour tout âge. Les mamans ont tendances à prendre d’autres modèles, plutôt classiques (voir image). Plus sobre. Ces modèles se marient très bien avec des habits traditionnaux.


J’essaie de trouver des modèles que tout le monde pourrait aimer. J’ai aussi appris les combinaisons de couleurs grâce aux colliers. Et puis je demande aux clientes de m’envoyer une photo que je partage sur le compte Instagram UM.

Quelles sont les difficultés que tu as rencontrées à tes débuts, surtout en Belgique ?
Le tout premier obstacle a été l’argent. Comme je le disais, je suis allé au Kenya en tant que touriste avec ma mère. Je n’étais pas partie avec une idée d’entrepreneuriat, loin de là. Quand j’ai vu ces colliers, je me suis dit comment je vais faire. Comme je l’ai dit, c’est Dieu qui t’ouvre les portes. Par la suite tout s’est fait de manière incroyable. Ce n’était certes pas facile mais des opportunités se sont présentées.
Le deuxième obstacle c’est de se faire un nom. Honnêtement j’ai une vie calme en Belgique, personne ne me connaît plus que ça à part mon entourage… Il fallait se faire un nom. Tu présentes des colliers, OK mais tu es qui, tu viens d’où ? (Rires)
Troisième obstacle malheureusement, je les appelle les ‘’vautours’’. Quand tu lances un projet il y a toujours X ou Y pour te dire que ça n’ira pas, toujours quelqu’un pour te dire que ça ne marchera pas et te mettre des ondes négatives. Je pense que dans la vie c’est indéniable, il y a toujours les gens autour qui vont te démotiver ou même ta petite voix intérieur, le manque de confiance, d’expérience ou le moment de doute. C’est vraiment le plus gros obstacle et il faut passer outre. Il faut se dire, malgré tout je vais le faire.
Cela t’a donc beaucoup aidé de t’entourer des personnes qui croyaient en toi ?
Cela a été vraiment un plus. Il faut savoir que déjà mon oncle et sa femme m’ont vraiment poussé et mon père qui est également dans l’entrepreneuriat. Il m’a toujours poussé à croire en moi, en mes rêves.
Mon père m’a toujours dit, sois ton propre patron. Si tu peux travailler, aie ton diplôme, sois salarié mais à long terme sois ton propre patron. Prends tes propres projets en main, soit autonome et indépendante surtout parce que c’est comme cela qu’on avance. Le fait que depuis toute petite il me dit ‘’avance on ne sait jamais, vas-y crois en tes rêves et fonce’’.

3 mots forts qui décrivent Ushindi Maasai ?
Je vais donner des mots abstraits mais qui me touchent :
Valorisation parce que Ushindi c’est pour valoriser notre culture.
Entraide et solidarité entre nous via le mouvement : en vendant les colliers Massai j’aide aussi les créateurs. Derrière moi il y a des gens qui travaillent et ça me permet d’aider les jeunes artisans en les payant. Dans Ushindi, il y a eu beaucoup de collaborations (la photographe, la coiffeuse, la maquilleuse), c’est une manière pour moi de les aider aussi
Avoir confiance en soi, et se dire je suis capable. Peuple africain, ayons confiance en nous.

Tes projets pour 2018 et l’avenir.
A long terme, le projet que j’ai derrière Ushindi serait de promouvoir l’art africain dans sa globalité.. Là j’ai mis en avant l’art Masaï mais je reste persuadé qu’en Afrique il y a différent art qu’on peut mettre en avant. Peut-être qu’au Togo il y a des bijoux spécifiques que l’on ne peut pas trouver dans les autres pays. J’ai remarqué que nous les africains, achetons des bijoux sans connaître leur histoire. Reprendre ceux du Togo et dire “bijoux Togo & son histoire”, au Mali etc… et plus tard autour faire ainsi avec les produits cosmétiques.
Un scoop sur Ushindi Maasai ?
Etendre Ushindi dans d’autres pays d’Afrique.


Comment et où peut-on se procurer tes colliers ?
Je suis principalement active via Instagram (Ushindi.maaisai) et je réponds assez rapidement; J’ai aussi une page Facebook ( Ushindi Maasai ). Le troisième pôle de communication a été le bouche-à -oreille.
Quel conseil donnerais-tu à un jeune africain qui souhaite se lancer dans l’entrepreneuriat ?
Il est important de motiver les jeunes, à s’accrocher à ses rêves, mener des projets, avoir confiance en soi et se lancer. Dieu ouvrira des portes pour les croyants, les non croyants la chance s’occupera du reste.
A la personne qui veut entreprendre, je dirai qu’il faut qu’elle réalise qu’il faudra du temps, de l’énergie…mais comme c’est ton projet et que tu y crois, tu ne t’en rendras pas compte. J’ai perdu du temps mais gagné des rencontres qui m’ont fait grandir d’une manière ou d’une autre. De plus, tu peux avoir ton projet et continuer tes études. Le challenge, c’est de bien s’organiser. Très important ! Une personne qui se lance dans l’entrepreneuriat doit d’abord avoir une certaine attitude ou une manière d’être. Personnellement je suis une fonceuse à la base et une tête de mule.
Quand j’ai une idée je ne la lâche pas . Quand on se lance dans l’entrepreneuriat il faut savoir qu’il y aura un risque à prendre et vouloir prendre ce risque; c’est indéniable. Il faut juste le réaliser et aller au-delà du risque. C’est aussi une question de confiance en soi. Même s’il y a des obstacles devant toi, la chance ou Dieu t’ouvrira des portes. Lance-toi et commence petit. Mais ne te lance pas non plus à tête perdue non, fait une petite étude de marché, n’ecoute pas les vautours, croire en toi et persévère.
Un tout grand merci d’avoir accepté de partager ton expérience avec nous, je te souhaite beaucoup de courage pour la suite et longue vie au mouvement #JamaisSansMonCollierMaasaï auquel j’adhère complètement !
Retrouvez tout l’univers Ushindi Maasaï sur Facebook :Ushindi Maasaï et Instagram : Ushindi Maasaï . Et n’oubliez pas le Hashtag JamaisSansMonCollierMaasaï si jamais vous vous procurez ces colliers !
J’espère que cette première interview vous aura plu , en attendant le prochain RDV, prenez soin de vous et de ceux que vous aimez.
NB: Abonnez-vous si ce n’est pas encore fait !
Mamzel Sandy
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